Finale de ligue des champions 2025 : L’Inter, une finale pour l’éternité ?
- Alexandra Maille
- 30 mai
- 8 min de lecture
Deux ans après sa finale de Ligue des champions perdue face à Manchester City, l’Inter a une nouvelle occasion de ramener la coupe aux grandes oreilles à la maison. Face au PSG, les Nerazzurri vont encore fois affronter une équipe extrêmement à l’aise dans le camp adverse. Mais contrairement aux idées reçues, ce schéma n’est pas celui qui sied le mieux aux Italiens, bien plus serains en bloc haut qu’en bloc bas. Présentation complète de Simone Inzaghi et ses ouailles.

Ne pas nourrir de regret ; voilà à quoi tiendra, peu ou prou, la finale de Ligue des Champions pour l’Inter. Ce samedi 31 mai, la Beneamata a l’occasion de glaner sa quatrième couronne européenne et rejoindre l’Ajax au classement des clubs les plus titrés en Ligue des champions. Et nul doute que les Nerazzurri feront tout ce qui est en leur pouvoir pour toucher du doigt la coupe aux grandes oreilles et la ramener de nouveau à Milan, 15 ans après celle remportée par Javier Zanetti, Diego Milito et consorts à Madrid face au Bayern Munich de Louis van Gaal. Les interistes, qui ont parfois semblé sur la jante, d’autant plus ces derniers mois, ont l’occasion de sauver leur saison de la plus belle des manières après la perte de leur titre de champions d’Italie. Mieux encore, ils ont l’opportunité de montrer à l’Europe entière qu’ils forment bien, depuis plusieurs saisons désormais, l’une des équipes les plus impressionnantes du Vieux continent.
Bien loin des idées reçues et de l’image que certains peuvent s’en faire, l’Inter est une équipe conquérante, qui se caractérise par une certaine forme de flexibilité et d’esthétisme. Elle est aussi peut-être l’équipe qui contredit le plus les sensations du direct. À l’image finalement de son entraîneur, Simone Inzaghi, venu remplacer Antonio Conte à l’intersaison 2021 en provenance de la Lazio, son club de toujours, elle est particulièrement intéressante à observer, bien plus que certains ne pourraient le penser.
Depuis l’arrivée de Simone Inzaghi, l’Inter a connu des hauts et des bas. Mais beaucoup de hauts. Championne d’Italie en 2024 à la faveur d’une saison remarquable et d’une domination écrasante et sans partage, l’Inter a également remporté deux Coupe d’Italie, en 2022 et 2023. Elle est surtout redevenue une équipe majeure du continent européen. Antonio Conte l’avait emmenée en finale d’Europa League en 2020, Simone Inzaghi a, lui, fini par réveiller définitivement un géant d’Europe en l’emmenant déjà une première fois en finale de Ligue des champions. C’était en 2023 et l’Inter ne s’était inclinée que 1-0 face au rouleau compresseur de Pep Guardiola, Manchester City, alors auteur d’une saison XXL avec un triplé à la clé.
Une équipe complète, mais pas parfaite
Au-delà d’une certaine forme d’esthétisme évoquée plus haut et sur laquelle nous reviendrons par la suite, l’Inter d’Inzaghi est une équipe extrêmement bien préparée et compétitive, pour ne pas dire ultra compétitive. Arracher deux finales de Ligue des champions en trois ans, comme l’avait d’ailleurs fait la Juventus de Massimiliano Allegri en 2015 et 2017, n’a rien d’un hasard. L’Inter et son entraîneur se caractérisent par une incroyable aptitude à lire et faire déjouer leurs adversaires. Simone Inzaghi, coach et homme aux idées intéressantes, s’est en effet imposé comme un des maîtres dans la lecture de contextes hostiles auxquels il doit faire face. Son équipe maîtrise toutes les hauteurs de blocs - bas, médian et haut - et se veut verticale.
Disposée en 3-5-2 sur la feuille de match, l’Inter est une équipe extrêmement souple et liquide. Elle se déploie en réalité dans différents dispositifs selon les phases de jeu, les temps de match et, surtout, en fonction des caractéristiques individuelles et collectives de ses adversaires. Contrairement à ce que certains laissent entendre, Simone Inzaghi ne rate d’ailleurs jamais une occasion de monter son bloc pour opérer un 1vs1, avec une pression totale. À Barcelone, lors de la demi-finale aller, les 20 premières minutes avaient été un parfait exemple de la chose : face à une structure de relance à trois avec Jules Koundé, Pau Cubarsí et Inigo Martinez, le coach italien avait monté d’un cran Henrikh Mkhitaryan, habituel milieu de terrain, pour calquer son équipe sur l’organisation catalane (Thuram vs Cubarsí, Mkhitaryan vs Koundé, Lautaro Martinez vs Inigo Martinez).
En définitive, la faculté d’Inzaghi à anticiper les différents scénarios qui s’offriront à son équipe a fait de l’Inter une équipe complète et coriace. Face au FC Barcelone, à l’aller comme au retour, les Nerazzurri ont montré leur aptitude à rester haut. À San Siro, c’est d’ailleurs sur deux récupérations dans le camp adverse que l’Inter a fait la différence. Asphyxié et enfermé, l’entrejeu barcelonais - Dani Olmo plus particulièrement - avait complètement déjoué sur le premier but (et le début du match plus largement). Gérard Martin, sur le côté gauche lui - avant l’obtention du penalty qui amènera le but du 2-0 -, avait aussi été pris dans la spirale et le piège de l’Inter.
Une équipe verticale et au point avec ballon
De surcroît, peu d’équipes en Europe font aussi bien voyager le ballon que ne le fait l’Inter. Dans ce registre, seul le FC Barcelone et sa Flick Army, Arsenal, Liverpool, Manchester City (tout de même) et son adversaire en finale de Ligue des Champions - le PSG – lui semblent réellement supérieurs. L’Inter n’a en revanche sans doute aucun équivalent au moment de ressortir le ballon de son camp. Ses idées, sa créativité infinie et son agilité pour amener le ballon dans les 30 derniers mètres adverses sont tout bonnement impressionnantes. Sa structure évolutive la rend pour beaucoup illisible et très difficile à presser.
L’Inter peut notamment compter sur la vision et les interprétations très justes de son milieu de terrain Hakan Çalhanoğlu, lequel vient souvent s’insérer dans la défense centrale ; sur la capacité de Federico Dimarco à s’associer et jouer de sa proximité avec la ligne de touche ; sur la résistance et la capacité de Nicolò Barella à absorber les adversaires ; sur le jeu dos au but de ses deux pointes – Lautaro Martinez et Marcus Thuram ; ainsi que sur le pied gauche et les incursions de son défenseur central Alessandro Bastoni. Ce dernier n’est d’ailleurs pas un simple stoppeur, il est un joueur total, comme le sont au demeurant les défenseurs centraux voulus par Conte et Inzaghi désormais. Il est peut-être le meilleur joueur de cette équipe, mais aussi le plus sous-estimé.
Bastoni est d’ailleurs un joueur qui a été en grande partie façonné par Conte, avant d’être peaufiné par Inzaghi. Défenseur de classe, fort au duel, dans la lecture des espaces et dans l’anticipation, l’Italien est un joueur central du dispositif d’Inzaghi. Tantôt central, tantôt latéral d’une défense à quatre asymétrique ou milieu de terrain offensif avec le ballon, il est indispensable au jeu de l’Inter. Son entente avec Dimarco, plus ailier que piston, tout comme l’est Dumfries à droite, est un atout de taille du vice-champion d’Italie 2025. Sans lui, l’Inter a d’ailleurs souvent souffert, pour défendre sa surface bien sûr, mais aussi pour (re)trouver de l’oxygène avec le ballon. Ses sorties en cours de match dans le derby de Milan en championnat en début de saison (défaite 2-1), dans le derby d’Italie face à la Juventus à Turin en février (défaite 1-0), face à Naples en mars dernier (nul 1-1) et face à Parme plus récemment (nul 2-2) ont toutes été suivies d’un pion de l’adversaire. Et dans la course au titre effrénée avec le Napoli, ces banderilles encaissées auront lentement tué l’Inter dans sa quête de back-to-back en championnat.
Le choix de la hauteur du bloc, le dilemme de l’Inter
Mais dans l’ensemble, l’Inter demeure la meilleure équipe de la Botte et ce parce qu’elle est bien l’une des meilleures équipes d’Europe. Elle reste aussi une équipe qui défend bien, voire extrêmement bien. Défendre, l’Inter a cela dans la peau. Mais ce niveau d’excellence, elle ne l’a plus en elle comme ce fut le cas par le passé, notamment lors de la saison 2023-2024, au cours de laquelle elle n’avait encaissé que 22 petits buts en championnat (contre 35 cette saison). L’Inter ne semble en effet plus vraiment avoir de certitudes au moment de défendre en bloc bas, et préfère donc, quand les circonstances s’y prêtent, presser, pour défendre à la source et non son but.
En revanche, en Ligue des champions, l’Inter a fait preuve d’une solidité impressionnante au moment de défendre sa cage… jusqu’à son quart de finale face au Bayern Munich. Elle n’avait, avant cette double confrontation, encaissé que deux buts. Elle a ensuite tout de même encaissé trois buts lors de ses rencontres face aux Bavarois et six face au futur champion d’Espagne, montrant d’importants signes de fébrilité en bloc bas. Soumise à la force créative des Barcelonais et à leur tranchant avec ballon, elle avait alors subi une furia rare et dû se dégager en catastrophe un bon nombre de fois sur des ballons venus côtés opposés des pieds Lamine Yamal ou encore Pedri. Face à l’urgence, les centraux interistes avaient dû se démultiplier (6 tirs contrés lors du match aller). Face au Bayern, à l’Allianz Arena mais surtout dans son antre, elle avait également beaucoup souffert face aux adaptations de Vincent Kompany, qui n’ont pas manqué d’être suivies par Hansi Flick en demi-finale.
Le pressing parisien, un danger de tous les instants
C’est donc paradoxalement en bloc haut que l’Inter s’est réellement senti le mieux, en témoignent les deux premiers buts inscrits lors du match retour face au FC Barcelone que l’on décrivait un peu plus haut. Mais elle ne pourra évidemment pas passer toute la finale dans le camp du PSG au risque de se faire punir dans les grands espaces. Et à la manière de ce qu’ils avaient vécu face au FC Barcelone, les intéristes auront fort à faire face aux Parisiens. Le plus dur pour l’Inter face au PSG ne sera pas vraiment de défendre, mais bien de voir la vitesse à laquelle les joueurs de Luis Enrique récupèreront le ballon. Et ce pour une raison : l’équipe de l’Espagnol est sans doute la plus forte du continent pour étouffer l’adversaire et la cantonner aux abords de sa surface. Le club de la capitale, une des équipes les plus tranchante d’Europe, jouera d’ailleurs pour l’histoire et un triplé retentissant. Ces vingt dernières années, seuls le Barça (en 2009 et 2015), le Bayern Munich (en 2013 et 2020), Manchester City (en 2023) et … l’inter (en 2010) ont réalisé pareil exploit.
Le PSG, plus jeune équipe à atteindre la finale de la Ligue des champions depuis l’Ajax en 1995, arrive par ailleurs en bien meilleure forme physique que l’Inter, l’une des équipes les plus âgées du plateau européen (29 ans vs 23,5 ans). Lautaro Martinez, qui sera bien titulaire ce samedi soir (sauf immense surprise) n’a pas foulé les pelouses depuis la demi-finale retour de Ligue des champions face au FC Barcelone, Benjamin Pavard, lui aussi disponible pour la finale, n’a pas tâté le ballon rond lors d’un match officiel depuis sa sortie prématurée face à l’AS Roma en championnat le 27 avril dernier. Son jeu, plus énergivore qu’il n’y paraît, a beaucoup coûté à l’Inter. Et chacun des joueurs majeurs de la Beneamata, hormis Barella, ont à un moment donné été écartés des terrains pour cause de blessure. Il n’empêche que l’Inter jettera ses dernières forces dans la bataille et aura bien des atouts à faire valoir. Statistique complètement folle, elle n’a été menée qu’une quinzaine de minutes sur l’ensemble de la compétition. Seuls le Bayer, le Bayern et le FC Barcelone ont été devant au tableau d’affichage tout au long de la compétition face à l’Inter.
Son talent avec et sans ballon en font une équipe redoutable, sans oublier ses talents sur corners (et sur touches longues !). L’Inter est, de loin, la meilleure équipe d’Europe sur l’exercice des coups de pied de coin, devant Arsenal. Avec Dumfries, Thuram, Lautaro Martinez - et dans une moindre mesure Bastoni, Acerbi et Pavard, elle possède certains des meilleurs joueurs européens dans les airs. Dans les cinq grands championnats, aucune équipe n'est aujourd'hui plus dominante que l'Inter : elle affiche un petit peu moins de 60 % de duels aériens gagnés cette saison en Serie A et 56 % en C1. Par ailleurs, plus de la moitié de ses corners offensifs finissent par un tir. Sa variété dans l’exercice (ballon lobé, tendu) et la qualité de pied de ses tireurs (Dimarco et Çalhanoğlu) lui offrent de nombreuses possibilités de tuer l’adversaire. Le Bayern avait cédé en cinq minutes à San Siro sur deux corners coup sur coup. Le FC Barcelone, lui, avait encaissé deux buts sur corners en quelques minutes également sur ses terres. Et il est peu probable que Inzaghi ne se soit pas aperçu des difficultés du PSG en la matière.



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